Quel chef, quel projet politique pour une opposition exsangue ?
Seize ans près le coup sanglant porté à la jeune démocratie congolaise par Sassou Nguesso et ses sbires, l’opposition congolaise évolue encore dans un champ d’idée ruineux et couvert de gravats. C'est dire que l’opposition congolaise patauge encore dans la braise dès lors que chacune des formations s’autoproclamant de l’opposition fait sa petite sauce dans son coin.
A défaut de prendre le taureau par les cornes, elle serait simplement amener à lui titiller la queue avec des propositions dont elle s’auto-organise à discréditer. Dialogue national inclusif, concertation nationale, états généraux de la nation nous dit-on ! La tiédeur que montre l’enthousiasme des congolais face à ces propositions témoigne du peu d’imagination d’une opposition écartelée et en panne d’idées. Si le diagnostic et la solution préconisée peuvent être compréhensibles, on ne voit pas comment ses requêtes pourront être mises en route sans le consentement et la participation active d’une société congolaise qui peine à donner son blanc-seing. C’est du déjà vu, dit-elle. Une fausse bonne proposition qui a peu de chance d’être entendu
Pourtant toute la phraséologie politique est abondamment utilisée pour convaincre une population qui, malgré les brimades et le dénuement, hésite toujours de se souder à une opposition qui prétend rassembler tout en se préservant de cavaler seule. L’élan enclenché après le méga meeting de Mars dernier semble déjà loin et essouffler face à la montée en puissance de la machine destructrice du PCT carburant à plein régime et à coup de milliard de francs CFA. C’est là que les lendemains de défaite sont toujours complexes, surtout quand les perdants traînent un lourd passé de politiciens aux ‘cols noirs’. Garder le contrôle et la primauté de l’explication politique s’annoncent difficile. Peu résiste à la tentation.
Réunis en collège des 17 partis d’opposition qui apparait en réalité comme des « rassemblement de clans » ou "tribus" selon l'humeur des chefs voulant s’approprier le crédit de leader. Ou encore de leurs militants souvent déconfits et désorientés. Les prétendants déclarés ou encore dans les starkings block songent tous à l'élection présidentielle de 2016 s’imaginant convaincre dans la dispersion. Ils se voient déjà calife à la place du calife.
A l’évidence, si le gouvernement est aujourd’hui discrédité, vomi par le peuple, en panne d’actions, inapte à relever les défis qui se profilent à l’horizon et à ne pas œuvrer pour un consensus national au service de l'intérêt général du pays, englué dans les affaires économico-judicaires, l’opposition n’est pas mieux lotie. D’où le drame de l’interminable et incertaine transition au Congo-Brazzaville. D’où la crainte légitime du peuple de se trouver de solution en faisant confiance a une opposition qui ne convainc pas.
Nous ne le dirons jamais assez s’opposer systématiquement au système SASSOU ne suffit plus, n’est pas tenable du point de vue politique. Ou encore miser sur le discrédit du PCT n'assurerait ni la crédibilité de l’opposition, ni sa capacité réelle à moderniser demain le pays. Pour incarner une alternative forte et crédible, il faut commencer à bâtir un projet qui démontre que l’on possède d’autres solutions que celles qui sont mis en œuvre par le régime que l’on combat.
Où sont les propositions et les idées neuves ? Certainement pas dans cette tendance à vouloir radicaliser une partie de la population. Cette opposition, sans projets ni leaders, est à l'image du vide de l'anti-sassouisme qui a atteint là son apothéose.
L'élan démocratique espéré n'est pas dans cette vision de l’alternance conduite par une opposition à la traîne qui met la charrue avant les bœufs.
D’autant plus que les tenants du régime affutent leurs armes pour blanchir un système noyé dans son échec et la corruption dénonçant sans convaincre l’irresponsabilité politique de ceux qui accusent SASSOU NGUESSO d’être responsable de tous les maux. Seulement, les preuves des délits économico-judiciaires sont là pour confondre un gouvernement dans le mensonge. Un échec est un échec et la sanction ne doit pas être sélective. Les congolais qui soutiennent aujourd’hui cette dictature s’illusionnent s’ils pensent qu’ils seront épargnés le jour où eux aussi gêneront le pouvoir du clan.
Beaucoup de reproches, non dépourvu de bon sens, sont faites à cette opposition congolaise. Si on peut soutenir que le paysage politique actuel, largement pris en otage, bâillonné par le clientélisme et la corruption subtile du PCT, parti Etat, n’est pas favorable à la montée en puissance d’une opposition incisive, il n’en demeure pas moins vrai que les collectifs des partis qui se proclament de l’opposition ont une responsabilité importante dans l’absence d’idéologie et de conscientisation des masses. Ils sont souvent silencieux, malléables et brillent par une capacité flagrante à s'effacer de la scène politique entre deux élections et son aptitude à réapparaître à la veille des consultations électorales pour, on ne va pas se le cacher, bénéficier des largesses financières que la loi consacre au financement de la campagne électorale. Serait-il faux d’avancer qu’ils ne sont là que pour le fric, le pouvoir et leurs intérêts égoïstes?
Il est temps de répondre à la question cruciale qui doit mobiliser les populations. Pourquoi devons-nous plus que jamais s’engager à changer le système actuel ?
Parce qu’on est simplement contre SASSOU ? Parce que le système Sassou est corrompu ? Parce que c’est un système népotique ? Parce que c’est un système clanique et inégalitaire ? Parce que la politique de Mr Sassou sacralise le crime et les atteintes aux droits de l’homme ? Etc. C’est très aisé de le dire, seulement il faut démontrer en quoi consisterait le moteur du changement de demain que prône l’opposition et avec qui va-t-il le mener ?
On ne réussira pas à occulter la grande inquiétude qui fragilise les partis d’opposition au régime actuel. Les luttes sourdes qui étreignent traditionnellement l’opposition congolaise depuis des années étouffent plus que jamais le débat. A cela s’ajoute une érosion de libertinage politique de leur électorat. A défaut d’être convaincu par les idées, les militants se laissent embobiner par le premier marchand d’illusion qui se pointe.
Au demeurant, si on peut noter la « relative liberté » qu’ont les forces de l’opposition à s'organiser, soulignons cependant qu’aucune alternative politique efficiente, aucune respiration démocratique durable n'est sérieusement envisageable dans le contexte politique actuel.
Pour une opposition forte et incisive, il est impérieux de régler les questions de leadership et la conception d’un projet de société rassembleur. Prendre le temps et déployer l’énergie nécessaire pour gérer ces questions, est un investissement largement rentabilisé pour la réussite du changement voulu. Il faut commencer à éviter que le flou, le brouillard, l’a-peut près ne contaminent le reste des masses qui tentent de se mobiliser ? Il serait préjudiciable de pousser aveuglement le peuple vers un affrontement contre le régime actuel sans le prémunir d’un minimum d’encadrement, de formation, de leviers pour discerner les raisons valables du pourquoi doit-il réagir ? Comment s’étonner que les militants en l’occurrence les électeurs ne soient pas victime « du syndrome de la girouette politique » ?
Depuis un peu plus d’une décennie les avant des joutes électorales au Congo-Brazzaville indiquent plutôt la tendance aux querelles, dissensions, atermoiements, fractionnismes et désenchantement des populations. Nul doute qu’un tel état des lieux constitue une menace grave pour l’alternance démocratique. A force de présenter la politique comme un tremplin idéal pour s’enrichir, la manœuvre de convaincre une population désœuvrée d’opter pour un changement de l’ordre social établi dans un but collectif est une opération vouée d’avance à l’échec.
L’opposition d’aujourd’hui contribuera tout juste à se débarrasser d’un système répugnant et foncièrement criminel pour le remplacer par un autre qui développe intérieurement les mêmes tars. Cette situation ne permettra pas à la société congolaise désespérée de constituer une alternative crédible. Simplement parce qu’elle est aveuglée par la politique nombriliste de l’opposition.
Mais tout de même tout n’est pas aussi noir que ça, car le vers est déjà dans le fruit. Un mouvement est possible, seulement il faut inventer une nouvelle forme de contestation par la force des idées novatrices du changement.
Cela est possible si et seulement si les partis politiques dits d’opposition renoncent à leur alliance contre nature, acceptent de tracer un nouveau mode de fonctionnement interne et les rapports qu'ils entretiennent avec le peuple.
L'impératif d'une démarche cohérente d’ensemble , la recherche d'un leadership crédible, la modernisation du cadre électoral, la libération des énergies militantes, la pérennité des sources de financement, l'amélioration du mode de communication et surtout la visibilité et l’acceptation par le peuple d’un projet de société les impliquant sont autant d'enjeux qui doivent interpeller l’opposition congolaise et toutes les forces du changement.
S'il y a une étincelle quelque part, elle est dans la conscientisation du peuple cela peut se transformer en une révolution pour le changement si le peuple fait partie intégrante du changement. Dites au peuple ce que vous voulez faire et comment aller-vous y prendre, le peuple vous suivra
Melh MAYANGA « l’œil républicain »