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DAC - le portail d'information de l'association Développer Autrement le Congo (DAC).

08 Dec

Congo-Brazzaville: Pourquoi la cote des syndictas baisse?

Publié par Berijc

 

La majorité des salariés congolais ne font plus totalement confiance aux  syndicats. Les raisons du recul de leur volonté d’adhésion sont multiples et variées. Mais il se trouve que bons nombres de ces salariés reprochent aux responsables syndicaux leur concussion avec le gouvernement.


Que reste t-il de l’aura du syndicalisme des années 80 et 90 ? Il fut un temps où l’on était fier d’être militant d’un syndicat. Fier parce que l’on se disait qu’il était utile et patriote  de se mettre debout et dénoncer les injustices sociales. Cette action solidaire contribuait à faire progresser les idées d’un réel changement dans la négociation et surtout dans une démocratie participative. En 1990, lorsque le  plus grand des syndicats que le Congo n’ait jamais eu, la confédération syndicale congolaise (CSC) se mettait en branle pour exiger une consultation nationale en vue d’une instauration  politique pluraliste et démocratique. La majorité des salariés se sont mobilisés tous comme un seul homme derrière le mot d’ordre lancé par les responsables syndicaux de l’époque. Les syndicats bénéficiaient d’une confiance en constante progression, bien que le vent de l’ère du dirigisme étatique monopartisme soufflait encore. Cette nouvelle donne de l’ère démocratique qui s’implantait progressivement  au Congo semblait accentuer une profonde mutation dans les attentes des salariés. Les congolais salariés vivaient le syndicalisme comme le dernier  rempart. Ils se réappropriaient le syndicalisme comme outil d’efficacité pour être des acteurs de leur avenir. La mobilisation autour de l’idée d’une consultation nationale démocratique (qui fut appelée plus tard  Conférence nationale souveraine) a symbolisé le retour de l’engagement individuel pour construire un collectif. Les maux comme l’injustice social, l’insécurité, l’émergence inquiétante des travailleurs pauvres, la jeunesse qualifiée de «  génération sacrifiée » renforcent cette peur de l’avenir. Cette mobilisation inédite gravée dans les mémoires des salariés renforça la volonté de s’unir contre toutes ces injustices. Cette dynamique produisit des fruits qui gémiront en une libération de l’homme, en acquisition de plus de liberté, en une aspiration d’une autre politique de  répartition des richesses… C’est cette volonté d’articuler la contestation, la mobilisation, l’union, la redistribution  qu’avait réussi cette mobilisation historique.

Proscrire les comportements rétrogrades


Les temps ont changé aujourd’hui. Le retour des antivaleurs au rang de prédominance politique a largement contribué au phénomène d’étouffement de tout mouvement syndical. La peur d’un système policier répressif qui espionne, incarcère et humilie le salarié accentue aujourd’hui la tendance en baisse des mouvements sociaux susceptibles d’être initié par les syndicats. Comme l’explique Sébastien N. qui avait milité en 1990 aujourd’hui cadre  à la SNPC «  Pour les cadres, dans certains secteurs très concurrentiels, se syndiquer aujourd’hui peut avoir des conséquences très regrettables sur la carrière, son évolution, C’est fortement déconseillé ».
Le pouvoir de Brazzaville ayant remit le système autocratique au goût du jour pèse de plus en plus sur les conditions professionnelles et surtout sur les droits des travailleurs congolais. Être syndiqué est synonyme aujourd’hui d’être contre le pouvoir. Et la seule réponse du pouvoir face à cette revendication du respect du  droit du travail est souvent la mise en quarantaine de certains travailleurs. Il n’est pas faux aujourd’hui de dire que 80% des entreprises congolaises sont dirigées par des hommes syndiqués dont la fièvre politique est le reflet  d’une conspiration clanique au pouvoir. On boycotte par le haut pour museler le bas. De cette manière, on espère tout contrôler et ne laisser passer que les volontés du pouvoir en place (gouvernement) et non celles des salariés majoritairement bâillonnés.

Même son de cloche qu’éprouve madame Florence B, infirmière au CHU : « Je ne vois pas la nécessité de me syndiquer car, pour moi, les syndicats présents au CHU ne se battent pas assez. Pourtant, il y a des combats à mener pour une meilleure offre de soin aux malades, le délabrement des structures et du matériel médical, les salaires, l’emploi, surtout,  car il y a de moins en moins d’infirmières et d’aides soignantes »

On retrouve là,  la même inquiétude qui a conduit au soulèvement de 1990. On laisse pourrir la situation pour mieux contrôler et dominer le peuple. C’est ce que conclut en substance cet enseignant : «  Il n’y a plus de démocratie participative au sommet des syndicats. Ces derniers au lieu de concerter la base  pour ensuite reformuler les revendications en fonction des attentes formulées, établissent en vase clos des programmes déjà validés par le gouvernement et obligent les militants à les suivre. C’est plus du syndicalisme… »


En effet, le pouvoir syndical et politique est gangrené par la corruption.  La plupart des responsables des syndicats sont de mèches avec les hommes du pouvoir. Ils sont liés en affaires ou acceptent sans scrupule des pots de vins pour museler toute tentative de revendication. Mais l’histoire est difficilement malléable. Les travailleurs de l’ANAC ont donné une bonne illustration en refusant le plan de reconversion imposé par le gouvernement concernant la concession en catimini des aéroports de Pointe-Noire, Brazzaville et d’Ollombo. Il en est de même des sociétés dirigées par des expatriés qui ne respectent pas la législation du travail, le SMIG et la protection des salariés de notre pays. Le recrutement à la lance-pierre est un véritable frein à l’éclosion des compétences nationales.


Pour un développement harmonieux du Congo


Quand un peuple ravive la flamme de l’unité, du progrès, de la sauvegarde de l’emploi, de la fraternité, de la solidarité, de la défense de la nation, tout gouvernement fut-il autoritaire ne peut céder. Quand ce peuple exprime fortement son aspiration à vivre mieux ensemble, jeunes et vieux. Quand il refuse une société éclatée pour mieux préserver les privilèges d’une société clanique et autocratique… le pouvoir ne peut éternellement réussir à museler cette émancipation en marche. Ni l’achat des consciences de responsables syndicaux, ni la corruption de quelques élites déboussolées et enivrées pas l’appât du gain facile ne peut empêcher la grogne qui monte actuellement dans les entreprises. Lorsqu’un peuple se met en mouvement, certaines idées jusque-là bâillonnées  trouvent une vigueur insoupçonnée de combativité. Le peuple du travail  ne peut être acheté ni moins encore les vraies élites syndicales ne peuvent se laisser berner par les sirènes de la pseudo-modernité, a la frénésie de la recherche de l’efficacité de gestion au détriment de la qualité du travail, ni à la tentation de se laisser couver par les apparats du pouvoir. La montée au Congo-Brazzaville d’un syndicat de salon qui partage des verres de champagne avec le pouvoir ne peut–être reconnue comme un syndicat de combat contre les injustices.


Aussi, il est indispensable que les syndicats retrouvent leur place de mouvement de protection des salariés. Cela en revisitant les rapports entre les salariés et les modes d’organisation structurelle de l’outil syndical. Le syndicat doit s’adapter aux évolutions socioprofessionnelles et aux besoins de salariés et non imposer à ces derniers des solutions qu’ils rejettent massivement. C’est cela le prix de la liberté syndicale. Bien qu’il ne s’agit pas de mettre dans le même panier tous les crabes, force est de constater que beaucoup de ces syndicats ne le sont que de noms. Notre action encourage les syndicats qui réclament une révolution culturelle au sein des entreprises. Il faut stopper cette tendance de subir et ne rien dire. Si seulement nos ancêtres avaient agi comme nous, l’esclavage n’aurait jamais été aboli ; si nos parents avaient baissé les bras la colonisation ne serait jamais aboli ; si nos aînés n’avaient pas bravé l’armée et installer une grève générale  sur tout le pays en 1990, le monopartisme aurait poursuivi son dictat et la venue du multipartisme ne serait qu’un rêve inaccessible. L’histoire nous interdit de remettre tout cela en cause et de l’oublier. Au contraire, tous ces sacrifices ont un sens profond pour l’homme Congolais, celui de l’aspiration profonde d’un espoir au développement harmonieux de toutes les régions de notre pays. Ainsi, un syndicat fiable, fort et juste contribue au bien être des travailleurs et de surcroît à une défense solidaire et efficace  de leurs acquis.

 

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